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Pour une vraie politique de la laïcité

Force est de constater que la laïcité est de plus en plus souvent remise en cause dans notre pays par une grande partie de la communauté musulmane.

C’est un fait.

Mais nous ne devons pas oublier que le rejet de la laïcité a été également l’apanage des églises et en particulier de l’église catholique pendant de nombreuses années.

Aujourd’hui c’est moins le cas car les catholiques et les chrétiens s’appuient sur le principe de laïcité pour défendre une « catho-laïcité » identitaire fondée sur les racines chrétiennes de la France.

Le contraire de la laïcité, quoi !!!

D’autres encore prônent une laïcité francisée, nationale, voire nationaliste : c’est pour mieux chasser l’émigré, l’arabe, le musulman de France.

Oui il y a bien un racisme anti arabe qui se développe dangereusement.

Et ce n’est pas être « Islamo gauchiste » que de le condamner.

Dans le terme même, d’ailleurs, de « Islamo gauchiste », il y a un son, une musique désagréable.

En mai 68 ce sont bien les « gauchistes » qui étaient violemment attaqués par la droite la plus réactionnaire et conservatrice alors au pouvoir.

Reprendre ce terme en l’accolant à celui d’Islam est un procédé qui relève de l’amalgame et d’une vieille pensée droitière, reprise par un certain nombre de gens de gauche.

La violence du débat quant à la laïcité est réelle  : de part et d’autre c’est le retour du délit d’opinion.

Ceux qui admettent certaines pratiques inégalitaires, notamment entre les hommes et les femmes, homophobes, violentes, agressives, racistes, antisémites, doivent être dénoncés.

Mais peut-on admettre une certaine sincérité des autres, ceux qui considèrent que l’on stigmatise trop une certaine catégorie de la population, se sentant elle-même discriminée ?

C’est aussi une réalité qu’il ne faut pas méconnaître.

Dominique Eddé dans un entretien à Libération critique justement : « ceux qui renvoient les musulmans à l’identité d’un islam intangible et figé. La culture arabo-islamique est plus souvent perçue comme une erreur à réparer qu’une différence à respecter (…)  ».

À l’inverse, soutenir systématiquement le musulman au nom de la repentance du colonialisme, et ignorer la responsabilité des pays arabes à refuser le pluralisme de la pensée et la bienveillance à l’égard de l’autre, n’est pas acceptable.

Mais, est-ce que le fait de scander la laïcité, la proclamer, crier, vitupérer à tout bout de champ, dès qu’un foulard apparaît par exemple, loin d’enraciner la République, en éloigne beaucoup.

C’est pourquoi il nous faut une véritable politique de la laïcité.

Ni laïcité identitaire, ni laïcité ouverte, mais laïcité républicaine.

On dit sans adjectif.

Certes.

Mais pour convaincre, enseigner, expliquer, faire partager, il faut bien utiliser des mots, et adjectifs pour donner du sens au principe.

La politique de la laïcité est d’abord une politique de l’intégration.

Il faut reconnaître le droit à la différence dans le respect des valeurs universelles de dignité, d’égalité et de liberté.

Il faut accepter un multiculturalisme porteur de mixité culturelle et sociale, d’apport mutuel, sans renier aucune culture, aucune tradition, aucune coutume, dès lors qu’elles sont émancipatrices.

Il y a de nombreux français et françaises qui ne sont pas, comme dirait malheureusement Alain Finkielkraut, « de souche (française) »…

Et alors ? C’est un fait incontestable et incontournable.

Il leur est commandé de s’assimiler : c’est-à-dire de renoncer à ce qu’ils sont, à leurs origines, à leurs histoires, à celle de leurs grand-parents…

La République au cours de son histoire n’a jamais obligé quiconque à l’assimilation.

Le seul commandement de la République est celui de l’intégration.

Et pour l’intégration il faut être deux…

L’on constate une véritable haine de certains jeunes dans certains quartiers, dans certaines banlieues et dans certaines villes, à l’égard de la République française…

Pourquoi cette haine ?

Idéologie politique anti-Lumières, anti-humaniste, anti-démocratique, totalitaire, sûrement.

Mais aussi résultat du délaissement d’hommes et de femmes à qui l’on offre aucune perspective, aucun emploi, aucun enseignement, aucune culture…

La politique de la laïcité, c’est également une politique sociale.

La Constitution nous rappelle que la République est laïque. Elle est aussi sociale.

Or, aujourd’hui le constat est amer à cet égard : progression constante des inégalités, accroissement de la précarité, de la pauvreté, difficultés économiques qui touchent les catégories de population les plus à même à croire au miroitement des escrocs de la pensée religieuse.

Il ne peut y avoir de laïcité sans un effort considérable de la nation toute entière à renforcer l’égalité.

Il y a une France qui se porte bien et une France qui se porte mal.

La laïcité ne pose pas de problème à l’égard de ceux qui se portent bien, elle est difficultueuse et débattue pour ceux qui se portent mal…

La politique de la laïcité c’est aussi une politique d’union nationale.

Il convient de rassembler, d’apaiser, pour faire comprendre cette laïcité sans adjectif et ne pas se livrer à des anathèmes d’un camp retranché dans lequel s’enferment tant de défenseurs de la laïcité.

Revenons plutôt aux vrais enjeux : le combat contre le relativisme moral développé par les pays d’origine musulmane, par ailleurs alliés de la France comme le Qatar, ou l’Arabie Saoudite…

Combattre les intégrismes politiques et moraux venant du camp religieux, que ce soit l’intégrisme islamique, l’intégrisme catholique, l’intégrisme judaïque, l’intégrisme évangélique, combattre tous ceux qui refusent la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la démocratie, le respect des droits imprescriptibles de la personne humaine…

Les vrais enjeux de la laïcité c’est rappeler la nécessité de l’universalisme des humanistes et l’enseigner partout où l’on peut.

Donner une image positive du principe laïque.

Et arrêter alors avec cette hystérisation autour de la question du foulard ou du voile (on ne parle pas ici de la burqa ou du niqab).

Elle revient avec la position du nouveau ministre de l’Éducation nationale qui souhaite refuser quant aux accompagnements des sorties scolaires les mères portant un foulard…, ce qui avait été accepté par son prédécesseur au cas par cas.

Il faut naturellement évincer tout prosélytisme religieux quel qu’il soit.

Mais ce n’est pas parce que l’on porte un foulard et qu’on accompagne des enfants à une sortie scolaire, culturelle ou éducative, que le prosélytisme religieux existe.

Après tout il peut très bien y avoir une dame bon chic bon genre qui accompagne des élèves, dame catéchiste par exemple et qui va parler du petit jésus aux enfants : ne portant pas le foulard personne ne le verra.

Quant aux pères qui peuvent également accompagner les sorties scolaires qu’ils soient musulmans ou autre, qui nous dit qu’ils ne font pas de prosélytisme lors de ces sorties ?

C’est le prosélytisme qui doit être éradiqué, ce n’est pas le foulard lui-même…

Sur un autre registre, les prières de rue sont intolérables.

Mais pourquoi lors des prières de rue, devant la mairie de Clichy, qui ont fait tant de bruit, il n’a pas été expliqué qu’il s’agissait en fait d’une protestation à l’égard du maire de Clichy qui avait fermé unilatéralement la salle de prières où se retrouvait une grande part de la communauté musulmane de Clichy.

Il ne s’agissait donc pas contrairement à ce qui a été dit chez un certain nombre de défenseurs de la laïcité de prières de rue, mais en effet d’une manifestation contre l’impossibilité pour les musulmans de prier dans une salle de prières… ce n’est pas la même chose.

Il convient aussi dans le cadre de la défense de la laïcité d’adopter un point de vue, qui semble aujourd’hui bien lointain dans notre société, celui de l’objectivité, c’est-à-dire revenir aux faits.

Et les vraies prières de rue des opposants à l’avortement ?

Qui proteste  ?

Aristide Briand, l’un des principaux auteurs de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des églises et de l’état en avait rappelé le sens profond : l’État est laïque, pas la société.

On doit ainsi s’inquiéter, comme l’aurait fait Aristide Briand, s’il était encore parmi nous, de l’extension du principe laïcité au domaine privé, entreprise privée avec les dispositions permettant la restriction des convictions au sein de l’entreprise, ou sur les plages…

La sécularisation de la société que nous appelons de nos vœux, ne s’imposera pas par la force mais par l’exemple et l’accompagnement…

Alors même, et tous les laïques doivent y réfléchir, que plus nous défendons la laïcité avec force et vigueur, et plus la société la remet en cause.

Le vrai enjeu de la laïcité c’est appeler à la fraternité.

Nous pourrions reprendre la définition de Régis Debray selon laquelle c’est ce qui permet de sortir de la fratrie.

C’est l’émancipation des êtres humains en tant que personne et non pas en tant qu’appartenant à telle ou telle communauté.

La laïcité est un humanisme.

La politique de la laïcité, c’est la pédagogie et l’enseignement afin de redonner confiance en l’amour des autres quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent.

On est insensiblement passé, pour reprendre l’expression de Monsieur Jacques Toubon, défenseur des droits : « d’une politique d’égalité et humanitaire à une politique identitaire et sécuritaire ».

En cette fin d’année 2017, le corps social sur ces questions est à vif, divisé, confus, desséché.

Puisse cette année 2018 retrouver une laïcité sure d’elle-même, épanouissante, lumineuse, solide, avantageuse.

Le député Fréron, le 10 mai 1795, à la tribune de l’assemblée demandait  : « rendons la république aimable (…) ».

Une laïcité centre de l’union.

 

L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DE LA LAÏCITÉ CONTRE LES DÉRIVES COMMUNAUTAIRES.

Son Président,
Jean-Michel Quillardet

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